mardi 11 novembre 2008

Moïra (Partie 1)

Et me voilà à jour sur Seuils...
Comme mettre des images ici est un peu dur, je vais me concentrer sur les histoires.
Voici donc un autre projet (dont j'avais mis un extrait plus bas)
Pour le moment, le nom de code est Moïra, faute d'une meilleure idée.


Le réveil affichait 6h29. Ses trait rouges étaient la seule lumière de la pièce à l'exception de la multiprise orange en dessous du lit de Claire. La chambre se trouvait ainsi parée d'un masque d'épouvante, les faibles lumières la rhabillant aux couleurs d'un enfer confortable. Moïra se retourna dans le lit. D'abord, allumer la lumière. Depuis sa couette, Claire grogna pour protester contre l'arrivée de la clarté douloureuse. Ensuite, s'asseoir sur le lit et enfiler ses chaussons. Hier soir, elle les avaient laissés juste devant l'emplacement où elle s'asseyait. Le gauche avant le droit. Toujours le gauche avant le droit. Elle avait établit des règles strictes pour empêcher le fragile bien-être du réveil de s'évaporer trop vite. Ensuite, il fallait sortir de la chambre, et remonter le couloir étroit. Il faisait un mètre de large, mais l'accumulation des objets entassés sur le côté le rendait dangereux et difficilement praticable. Elle devait faire vite, il était déjà 6h30. La peau de son dos râpait le papier du mur. Il fallait espérer que ça ne réveille personne. La porte, enfin ou hélas. La poignée s'abaissa avec une lenteur infinie. Maintenant, il fallait faire attention. Bien refermer la porte en amortissant avec sa main, pour étouffer au maximum le bruit du bois. Ensuite, la règle était claire : traverser en trois pas le couloir de l'entrée et rentrer dans la cuisine sans faire de bruit. Mais en passant, Moïra ne pouvait jamais s'empêcher de lancer un regard inquiet à la porte vitrée. Normalement, elle avait encore un quart d'heure. Mais on ne sait jamais. La Brute était peut-être déjà levée. Aucun mouvement derrière les verres dépolis. Elle se glissa jusqu'à la porte de la cuisine et la referma aussi doucement que celle du couloir. Elle était toujours très inquiète dès qu'elle quittait la partie de l'appartement dévolue aux enfants. Ce territoire appartenait aux mamans, et Moïra savait qu'elle y était seulement tolérée à certains moments de la journée. Y entrer, c'était s'exposer. Chaque matin. Elle devait faire vite. Ici aussi, elle avait mis au point des règles. Elle devait optimiser son temps. D'abord mettre l'eau pour le thé à chauffer et les tartines dans le grille pain. Pendant ce temps, prendre le jus multvitaminé dans le frigo et en remplir le verre jusqu'au trait. Puis le boire cul sec et remettre la brique à sa place. Si elle était assez rapide, elle en profitait pour mettre le verre dans le lave vaisselle ou le laver si la machine était pleine. Le micro onde sonnait. Elle sortit sa tasse et plongeait le sachet de thé dedans, puis retournait chercher les tartines dans le même mouvement. Pendant ce temps, elle dilatait ses oreilles dans le silence de l'appartement pour repérer le moindre bruit. A la seule pensée que la porte du salon pouvait s'ouvrir, elle sentait son estomac se tordre d'inquiétude. Alors elle essayait de détourner son attention sur de petites choses, comme les inscriptions sur le pot de Nutella que Maman avait sortit pour quand Rémy se réveillerait. Il y avait un stickers représentant un joueur de foot qu'elle ne connaissait pas en cadeau à l'intérieur. Tout en lisant, elle trempait ses tartines dans le thé trop amer. Elle mangeait toujours ses tartines de la même façon. D'abord les bords marrons, puis elle pliait la mie en quatre et mâchait chaque bouchée avec soin. Le pain avait, sous la dorure du grille pain, une consistance pâteuse, qui, malgré tous ses efforts, lui plombait l'estomac une fois ingéré. Elle ne sentait toujours nauséeuse en finissant son petit-déjeuner, mais elle n'avait pas le temps de s'y appesantir. La pendule ronde de la cuisine affichait 6h40, elle n'avait plus de temps. Elle se dépêchait d'effacer ses traces, nettoyant son bol et traquant tout indice qui aurait pu donner à penser qu'elle était venue. La porte du salon s'était ouverte et refermée. Puis celle des toilettes. C'était le moment de regagner la sécurité relative de la chambre. Elle se glissait dans le couloir, essayant d'étouffer au maximum le chuintement de ses chaussons sur le sol. La chasse d'eau retentit comme un gong. Elle sauta vers la porte du couloir. La poignée tourna dans sa main crispée, mais doucement. Elle avait beau sentir l'urgence, elle devait rester silencieuse. Une raie de lumière venant des toilettes inonda bientôt la porte du couloir fermée. Elle l'avait échappé belle.

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