samedi 30 août 2008

Défi 4

Et voici le dernier défi en date.
(Mori, c'est toi qui fait le prochain)


Thème : Poupée de Porcelaine

Contrainte : Placer les mots : bilboquet, infusion, vision, musique, certes, déraison

Contrainte supplémentaire : faire une description (parce que je suis une bille en descriptions).



La chambre d'enfant



Au centre de l’étagère trônait la poupée de porcelaine. Ses lèvres carmines et ses yeux de glacier se détachaient dans les pâles rayons de soleil qui avaient réussi à traverser les fenêtres. Ses cheveux blonds avaient revêtu une parure grise. Assise dans son fauteuil de velours rouge, elle dominait l’ensemble de la chambre. A ses pieds, le bilboquet inclinait sa tête vermillon sur le bois de la planche pour lui rendre hommage. Venus lui présenter leurs respects, deux soldats de plombs du coffre à jouet se tenaient de part et d’autre de son trône. Leurs uniformes témoignaient de la difficulté de leur voyage. L’un n’avait plus ni chapeau ni baïonnette et l’autre déplorait la perte d’une jambe, qu’une araignée avait finalement récupérée pour en faire un appui de sa toile. Sur l’étagère en dessous dessous, comme attendant le bon plaisir de la poupée, les livres étaient sagement rangés. Leurs tranches rebondies donnant à mots couverts des indices sur les mystères qu’ils renfermaient. Ici, on pouvait lire « Visions d’ », ou encore « Et le secret » sur l’ouvrage voisin, tout tendu de couleurs or et du voile gris de la poussière. Un signet y était encore fiché. L’enfant avait utilisé une carte postale, vielle maintenant, dont seul un coin surnageait encore au dessus des pages jaunies. Les mots « Certes, il pleut », tout en pleins et déliés se détachaient en dessous du timbre poste représentant un vague paysage marin. Le reste avait sombré entre deux chapitres délimités par un chiffre écrit en gros et une image naïve de lapin. Devant les livres, plusieurs jouets animaient la procession vers la poupée de porcelaine. Un clown mécanique, la gorge gonflée par un rire muet, tenait devant lui un ballon au rouge terni, tandis que sa clé avait pris la couleur fougère de la rouille. Derrière lui, une scène pieuse se jouait. Pour l’édification de la poupée, la Sagesse inerte avait sans cesse le dessus sur la Déraison, obligée de ramper sur le socle de bois au verni écaillé. Sur l’étagère la plus en bas, les ours et peluches étaient soigneusement alignés, esclaves muets de la poupée de porcelaine qui trônait bien loin au dessus d’eux. Ils gardaient avec vigilance la maison de poupée et le petit meuble de marchande. La poignée miniature du tiroir à infusions, en attendant une réparation qui ne viendrait pas, avait été déposée dans la petite balance qui coiffait le meuble, comme la tête d’un minuscule Saint Jean Baptiste. Au centre de la pièce, sous le regard froid de la poupée et de ses sujets, la ballerine de la boîte à musique trônait dans un rayon de lumière, figée au milieu d’un saut, attendant elle aussi l’enfant qui ne reviendra pas.


jeudi 28 août 2008

Défi 3

Et le thème du jour est :


Vous êtes devant un feu.


J'en ai profité pour faire un petit clin d'œil aux contes du chat perché que j'adorais quand j'étais petite. Mais je n'y peux rien, j'aime pervertir les conte.


Un après-midi d'été



L’après-midi s'étirait en longueur. Le soleil avait assommé la ville. Plus rien ne bougeait dans les rues, hormis un chien errant désespérément à la recherche d’un peu d’ombre. Les habitants s’étaient réfugiés dans leurs maisons obscures et avaient pudiquement fermé les volets sur leur sommeil bienheureux. Comme d’habitudes, les enfants avaient eu le droit de rester hors du lit, à condition qu’ils jouent calmement et ne fasse pas trop de bruit. Sur leurs promesses, les parents s’étaient retirés.

Les poupées les avaient bien intéressées un peu, mais bon, elles n’étaient plus suffisamment bébé (elles prononçaient ça en tordant la bouche, comme s’il s’agissait d’une tare) pour jouer avec. Du moins, pas bien longtemps. Et puis le sol de la cuisine était ennuyeux avec ses gros carreaux irréguliers. Incidemment, Marinette était passée près de la porte, et le battant supérieur s’était entrouvert. Elle avait jeté, oh, rien qu’un œil. Juste quelques secondes. Et elle avait appelé « Delphine, Delphine, vient donc voir par ici ». Elle s’était donc approchée. A vrai dire, en voyant Delphine près de la porte, elle avait eu un soudain besoin de se lever. Le sol était froid, et sale. Malgré ce que disait la bonne, elle ne le lavait certainement pas tous les jours. En quelques secondes, elle était donc à côté de sa sœur. Derrière elles, Augustine avait suivie, sa poupée de bébé serrée dans ses bras. Naturellement, les sœurs l’ignorèrent. On ne parle pas à un bébé.

« Oh, Delphine, regarde ces fleurs, tu ne penses pas la poupée d’Augustine serait très jolie, si on lui tressait une couronne avec ? ».

Delphine avait plissé les yeux. Devant elle, l’herbe du jardin était jaune et brûlée. Mais de l’autre côté du ruisseau, elle devinait des taches colorées, qui devaient sans aucun doutes être des fleurs.

« Oui, Marinette, tu as raison. Je suis sûre qu’Augustine serait vraiment heureuse, si on lui faisait une belle couronne pour sa poupée. Et puis, si on n’y va pas, je suis sûre qu’elle va pleurer ».

« Oh non, on ne voudrait pas la faire pleurer », déclara sentencieusement Marinette ».

« Et puis ce n’est pas si loin. Même, on ne quittera même pas la propriété ».

« C’est vrai, après tout, Madame Leloup habite dans sa masure parce que père le veux bien, on ne peut pas dire que c’est chez elle ».

Sur ces bonnes paroles, les deux fillettes s’étaient mises en route, intimant à Augustine de garder la maison. Après tout, c’était important. Quelqu’un pouvait venir sonner au magasin alors que les adultes dormaient. Augustine devrait alors aller réveiller Maman, c’était sa mission. Et Delphine et Marinette lui apporterait de jolies fleurs pour sa poupée.

« Des rouzes ? », avait demandé la petite avec espoir.

« Oui, des rouges », avaient promis les deux autres.

Et bras dessus, bras dessous, elles avaient trotté à travers l’herbe brulée. La petite maison de Madame Leloup, ou plutôt sa cabane, de l’avis des deux filles, était encore plus laide de près. La terre et les fagots de bois qui la constituaient prenaient une vilaine couleur brune sous le soleil de l’été. Par contre, les fleurs qui poussaient devant étaient tout ce qu’il y a de plus jolies. Les fillettes avaient donc commencé à en faire deux gros bouquets pour cette pleureuse d’Augustine, s’interpelant quand elles trouvaient une fleur particulièrement jolie, ou un grillon. Bien sûr, elles avaient un peu peur. On disait que Madame Leloup était une sorcière. Mais les sorcières ne peuvent rien faire en plein, jour, c’est bien connu.
C’est pourquoi elles avaient hurlé quand la porte s’était ouverte. Madame Leloup se tenait sur le seuil, son méchant chat tout noir derrière elle, et un balai dans une main. Son gros visage était bouffi de colère.

« Non mais vous avez fini de me détruire mon potager, oui ? ».

Naturellement, les filles s’étaient mises à courir. Marinette avait hurlé qu’elle allait leur lancer un sort. Et Delphine qu’elle allait les poursuivre sur son balais. Alors Marinette avait crié encore plus fort qu’elle tenait un serpent mort dans les mains. Et Delphine avait rajouté qu’il y avait un crane dans son jardin. Quelle histoire ça leur ferait à raconter à Augustine ! Mais tout d’un coup, elles s’étaient aperçues que les gens courraient vers elles. Il y avait Papa, Maman, le commis, et même la bonne qui tenait Augustine dans ses bras. Les femmes avaient attrapé les fillettes pour les ramener dans la maison, pendant que les hommes s’approchaient de Madame Leloup. La porte s’était refermée vite, alors elles n’avaient pas pu tout voir.

Et puis ce soir, ils étaient tous sortis sur la grand place après le dîner. Il y avait tous les habitants de la ville. Le curé était arrivé, suivi des hommes du gué. Ils amenaient Madame Leloup, dans une grande robe blanche. Et puis le prêtre avait lu un long texte, en partie en latin. C’était ennuyeux comme la messe. Delphine s’était plutôt intéressée au drôle de mat planté au centre de la place et entouré de fagots. En voilà une idée saugrenue. A quoi cela pouvait-il donc servir. Et puis quand le prête avait fini de lire, ils y avaient attaché Madame Leloup, et avaient allumé le feu. Le bucher s’était embrasé en un instant. Le bois séché par le soleil ardent craquait joyeusement. Madame Leloup disparut derrière des flammes aussi rouges et hautes que les fleurs devant sa masure. Et Delphine et Marinette admirèrent le feu rouge comme les fleurs devant la masure, jusqu’à ce qu’il ne les réchauffe plus.


mercredi 27 août 2008

Défi 2

Ou oui j'aime détourner les thèmes
Et Oui, je ne sais pas comment on souligne là dessus.
De toute façon, le rouge, c'est classe.


Thème : Cette fois pas de phrases imposées, mais plusieurs contraintes.

- Un dialogue
- Un minimum de 3 personnages ( présents dans la scène et non évoqués)
- La description d'un lieu clos.


Paradis d'oubli


Il n’y avait ni mur, ni fenêtres, ni même un coin. La pièce était parfaitement ronde. Et pas une demi-sphère dont le sol coupait l’arrondi. Une boule pleine. Sous ses pieds, elle pouvait voir une rotonde blanche identique à celle qui la surplombait. Pour une raison étrange, elle flottait au milieu. Peut-être la boule était-elle en train de tomber ? Mais dans ce cas là, elle sentirait la chute au creux de son ventre. Et puis elle serait plaquée contre la partie supérieure, au lieu de flotter tranquillement au centre. Donc la sphère était immobile, et sans aucune gravité. Elle pouvait dresser ses pieds indifféremment dans n’importe quelle direction, le sang ne lui montait pas à la tête. Au début, elle avait essayé d’aller les parois d’un blanc de neige, mais c’était la seule limite. Elle ne pouvait pas quitter le centre.


Elle était restée un petit moment à lancer des regards mauvais aux murs, mais ils n’avaient pas été impressionnés, aucune porte ne s’était dévoilée. Ensuite, elle s’était agitée dans tous les sens, tentant de trouver un appui pour se propulser. En vain. Maintenant, elle s’était recroquevillée, en attente. Histoire de tromper l’ennuie, elle donnait régulièrement des coups de pieds dans l’air, ce qui la faisait tourner sur elle-même avec une lenteur empreinte d’une certaine solennité. Depuis qu’elle était arrivée là, quels que soient le pourquoi et le comment, elle se sentait d’une humeur grave. Pas triste, mais plutôt, sérieuse. Ses mouvements s’accordaient agréablement à cet était d’esprit. Un tour, deux tours, trois tours, les murs étaient toujours égaux à eux même. Quatre tours, cinq tours, six tours, il y avait quand même un problème. Sept tours, elle avait trouvé. Où qu’elle porte son regard dans l’intérieur de la sphère, elle n’avait pas d’ombre. Gardant toujours la même allure, elle fit un huitième tour. Non. Ni au dessus, ni en dessous, ni sur les côtés. Voilà qui pouvait donner à réfléchir, mais comme tout le reste, elle serait sans doutes incapable d’en découvrir le fin mot tant qu’elle ne sortirait pas de la sphère. Elle attendit quelque instant, histoire que les murs relâchent leur attention, mais à peine avait-elle ébauché un mouvement de brasse qu’une attraction à peine perceptible la ramenait à sa place. A quoi s’attendait-elle, aussi ? ils ne regardaient qu’elle.


Elle changea sa position, essayant de s’asseoir en tailleur. Le silence était absolu depuis qu’elle s’était rendu compte qu’elle était enfermée. D’ailleurs, comment était-elle rentrée ? Elle ne se souvenait pas de s’y être réveillée, ou quoi que ce soit. Elle était dans la sphère, un point c’est tout. Comme elles. Se tordant le coup et le corps, elle les aperçut. Trois ombres. Elle avait maintenant l’impression qu’elles avaient toujours été là. C’est juste qu’elle n’avait pas été capable de les voir avant de les penser. Elles continuaient un dialogue orageux, commencé bien avant qu’elle ne les réalise. Il devait sûrement y avoir d’autres personnes dans la sphère, mais seules leurs ombres, agrandies par les courbes, étaient visibles. Des tiges sombres plaquées sur les murs blancs. Une voix appartenait à un homme, sans doute assez jeune. Une voix pâle et sèche, peu assurée et peu soucieuse d’être agréable. Une voix confite dans une routine ennuyeuse et qui n’apprécie pas qu’on l’en tire. La deuxième voix était celle, désincarnée, d’un hall de gare. La dernière, elle s’en aperçut avec un sursaut, était la sienne. Elle ne tremblait pas, mais elle pouvait sentir l’inquiétude en sourdre. Elle espérait que la voix de l’homme ne s’en rendrait pas compte. Il n’arrêtait pas de répéter les mêmes mots, tranchants comme de l'acier.
Fenêtre grenier, oiseau, cage, montre.
Et la voix de femme artificielle renchérissait
L’express de 12h14 à destination de Paris circulera voie voix.
A cela, sa propre voix répliquait avec hargne
Bougie, lanterne, tasse, beurre.
Etait-ce un jeu ? Sa voix n’avait pas l’air de trouver ça drôle, pourtant.
Serrure, retour, clé cadenas.
Le train de mission Zynk, à destination de la maison circulera avec un retard prévu entre cinq et dix minutes. Le train de mission Zynk à destination de la maison circulera.
Elle fronça les sourcils. Il y avait autre chose, tapi sous les mots incohérents. Les voix paraissaient proches, et elle les entendait distinctement, mais les vraies paroles essayaient d’apparaître dans les silences. En fermant les yeux, elle pouvait presque les sentir. Elles nageaient autour d’elle dans la sphère comme un banc de requins. La voix de gare apparaissait à intervalles réguliers, comme un phare de naufrageur. Sa voix à elle, c’était bien ça, la gardait en sécurité au centre. Les requins avaient beau la frôler, dans la sphère, ils ne pouvaient pas mordre. C’était la règle. Sa voix le disait bien. Elle l’avait juste oublié.
Règle sommeil sécurité, porte fermée.
Retour, retour, retour, éructait maintenant la voix masculine, mais de plus en plus faiblement.
Quand à la voix artificielle, elle annonçait désormais :
Prochain arrêt, réveil, prochain arrêt, réveil, alors que la mécanique de sa diction se déréglait de plus en plus.
Les voix palissaient. Elles essayaient de se retenir à la sphère, de la pénétrer, mais c’était peine perdue. Les souvenirs, même déformés, étaient bannis, elle l’avait décidé avant de s’y réfugier, et celui là ne ferait pas exception. Bientôt, tout s’effacerait.

lundi 25 août 2008

Défi 1

Voici le premier défi réalisé, et ses contraintes


Ecrire une histoire qui commence par :

« Il ne sert en rien, de dévoiler son jeu, tant dans la colère que le calme sérieux, car d’un souffle, une carte peu s’envoler, anéantissant ce qui peu être parfois, des années de secret ».

Insérer au milieu de la phrase :

« Il n'y avait qu'un pas entre ce qu'on voyait et ce que l'on croyait voir, c'était peut-être pour cela que l'on disais que l'erreur était humaine ».

Et que ça finisse par :

« Car c'est toujours au moment ou l'on croit que rien ne pourrait être pire, que l'on s'aperçoit que l'on avait finalement tort »


Mission Zen


« Il ne sert en rien, de dévoiler son jeu, tant dans la colère que le calme sérieux, car d’un souffle, une carte peu s’envoler, anéantissant ce qui peu être parfois, des années de secret. C’était notre dicton du jour, envoyé par Te Luan, Te Luan, nous te remercions pour ta contribution, et maintenant, une page de publicité ». Pah Tung se leva lentement, abandonnant son travail de mise en place zen et harmonieuse avec l’univers de figurines Warhammer sur la table de la salle à manger de la réflexion illuminée. L’heure avait sonné. La grande heure. Récitant en lui-même les dix sutras de la méditation éclairé, il se dirigea vers la pagode de la révélation évanescente, que Suzie appelait le placard sous l’évier dans la cuisine. Mais les démons familiers, femelles qui plus est, ne comprenaient rien à la beauté des noms, surtout quand elles avaient 5 ans.

A genoux, il fouilla religieusement entre la passoire de la compassion intrinsèque et les poêles à frire du souvenir carpien. Il profita du d’instant de choc parfait pour réciter entre ses dents les mille et une injures zen de la malédiction du plafond de placard, tout en frottant sa bosse selon le sens de rotation feng sui des aiguilles d’une montre. Son sac était là, religieusement rangé entre les serpillières anti-abomination et la ventouse repousse-démons. Pah Tung le tira à lui avec la célérité tranquille de ceux qui ont connu l’illumination du satori. Célérité tranquille un peu accélérée par l’irruption du démon du huitième cercle du Maelstrom, troisième appartement à gauche en sortant de l’ascenseur. Heureusement, Pah Tung avait appris à leur faire face. Se redressant de toute sa taille, il ouvrit son livre de prière et récita la formule sacrée pour repousser ce mal « Tout vient à point à qui sait attendre, car tant va la cruche à l’eau qu’à la fin elle se casse ». Il ne sourit même pas quand le démon s’immobilisa, manquant de faire tomber les assiettes du dîner, puis haussa les épaules et alla les poser sur la table, car Pah Tung était au-delà des sentiments humains tels que la fierté ou la morgue. Il ne se retourna même pas quand le démon essaya de le tenter par un de ses vils tours de séduction. La voix rebondit en écho sur les murs du hall d’entrée : « Tu ne mange pas avec nous ? J’ai fait des brocolis ». Mais c’était en vain. Et Pah Tung était déjà loin quand la plainte d’agonie du démon ébranla les murs : « Damien ! C’est toi qui as fichu ce merdier dans le placard ? T’as intérêt à ranger quand tu rentreras ! » Sans doute le démon tenta-t-il d’autres ruses pour l’attirer dans l’enfer de son courroux, mais cela ne concernait plus Pah Tung, il était loin. A peine entendit-il la dernière clameur du monstre « Tu as encore laissé traîner tes affaires n’importe où, ne compte pas sur moi pour ranger ! ».

Pah Tung égaya son trajets de quelque sutras choisis de son recueil zen. Son art du zen était à tel point développé que chaque page qu’il ouvrait au hasard lui offrait une perle de vérité dans le monde d’illusion où il évoluait. Il en était arrivé à un tel point d’illumination qu’il percevait la vérité intrinsèque de tout écrit. Pas seulement ceux de son recueil, au demeurant faciles à comprendre, comme « Ne met pas tous tes œufs dans le même panier » ; mais aussi, celle plus profondément enfouie dans des phrases apparemment absconses, telles que « Ne met pas tes doigts sur la porte, tu risques de te faire pincer très fort ». En tant esprit éclairé, Pah Tung n’en tirait aucune fierté. Pas plus que de l’action qu’il allait intenter ce soir. Le monde entier lui en serait reconnaissant, mais il n’en avait cure. Sa récompense était l’émerveillement constant du satori. Don rare qu’il partageait avec ses deux frères d’âme, Te Luan Vauche et Na Ente Dugasse, qui l’attendaient à la sortie du dragon souterrain. « Il n'y avait qu'un pas entre ce qu'on voyait et ce que l'on croyait voir, c'était peut-être pour cela que l'on disait que l'erreur était humaine », disait un sage dans le recueil de Pah Tung, parmi d’autres conseils pour être imbattable au jeu hautement méditatif qu’était le Strip Pocker. En bon disciple, Pah Tung s’était inspiré de la maxime pour préparer leur invasion et avait suggéré à ses deux frères d’adopter le déguisement d’adolescents profanes habités par leurs démons intérieurs. Après un bref salut entre initié, ils se dirigèrent d’un même pas vers l’entre de la bête.

Le vigile leur accorda à peine un regard et les laissa passer, noyés dans la masse des esprits éteints. Si Pah Tung n’avait pas été aussi éveillé et détaché des valeurs bassement matérielles, il se serait félicité pour son intelligence. Autour d’eux, les êtres corrompus se massaient, attendant avec obédience l’apparition du démon qui allait, dans quelques instants, être châtiés. Bien que détaché de la matérialité de ce monde, Pah Tung aurait bien craché sur les banderoles de l’imposteur, qui proclamaient crânement : « Le zen pour les nuls ». Une insulte aux yeux de tous les initiés. Si tant est qu’on pouvait considérer qu’ils étaient sensibles aux insultes, bien sûr. Récitant en lui-même les seize préceptes de la nourriture biologique purificatrice d’âme pour donner du courage à son corps encore de chaire, et donc corrompu, Pah Tung sortit la bombe de son sac. Rien de tel qu’un petit retour au chaos pour enseigner l’inanité des biens matériels et offrir un accès direct au Satori à quelques êtres inférieurs. Il se tourna avec cérémonie vers Na Ente, qui commença alors une danse d’exorcises inédite, tapant avec fracas sur ses poches, les ouvrant, glissant la main dedans, pour la ressortir aussi vite. Pah Tung plissa les yeux, comprenant aux petits cris incohérents de son compagnon qu’il avait oublié son briquet et que sa mère avait confisqué ses allumettes de secours. Autour d’eux, la foule commençait à bruisser. « Je savais bien qu’on aurait pas dû la faire noire et ronde », grogra Te Luan en désignant la bombe que tenait Pah Tung, et perdant, aux yeux de ce dernier, ses galons d’initié aux mystères du zen. Un vrai maître est au dessus des récriminations. Et n’essaie pas de se dérober en criant « C’était juste une blague », sous prétexte que deux démons de sécurité viennent d’apparaître derrière lui.

Pah Tung aurait bien adressé un regard de pitié à son compagnon déchu, mais il était, encore une fois au dessus de ces sentiments bassement humains. Et l’heure exigeait qu’il agisse pour la cause, tant pis pour les martyrs. Il posa vivement la bombe à terre et sortit son recueil de préceptes, espérant y trouver l’illumination pour échapper aux deux mauvais Karma d’un mètre quatre-vingt qui venaient de poser chacun une main sur son épaule. Ses yeux glissèrent sur le proverbe, et se relevèrent aussitôt. Suffisamment vite pour voir Na Ente attraper la bombe à ses pieds et la tendre d’un air d’excuse à celui qui semblait être le chef des démons de sécurité. « Vous n’auriez pas du feu ? », demanda-t-il en désignant la mèche de l’engin d’un air d’excuse. Malgré tout son éveil au Satori, Pah Tung ne put s’empêcher de soupirer. Son recueil avait raison. Son doigt marquait toujours la page où était marqué : « Car c est toujours au moment ou l on croit que rien ne pourrait être pire que l’on s’aperçoit que l’on avait finalement tord ».

Under Construction



Premier Essai de la Montre Gousset


Avertissements préalables


Ceci est un blog où je raconte ce que je veux, plus précisément où je mettrai en ligne mes nouvelles, histoires et autres élucubrations.



Les nouvelles en question, pour la plupart, proviendront d'une suite de défis, dont je posterai les règles au dessus.

Pour le moment, il y a en cours une histoire de Fantasy, à une époque 19eme.

En projet : une histoire d'échappée de la réalité.


Vous voilà prévenus.