vendredi 19 septembre 2008

Train again

Et hop, un petit morceau de ma prochaine histoire.
(Si je n'en suis qu'au début ici j'ai quasiment terminé Seuils. J'ai qu'un soucis. Comment faire une fin pas mièvre ? Je ne peux pas tuer mes persos, j'en ai besoin pour la suite).


Elle observait son visage dans la vitre du train. Elle n’avait pas le temps de le faire avant de partir, Susanne n’aimait pas qu’elle aille dans la salle de bains avant elle. Elle commençait par vérifier qu’aucune bosse ne déformait le pli de ses cheveux, retenus dans la nuque par une pince sévère. Elle inspectait ensuite ses yeux, puis descendait sur ses cernes qui se déployaient de part et d’autre de son nez comme un papillon violacé. Elle inspectait enfin sa bouche, guettant un reste de miette invisible ou la plaie rouge d’une gerçure négligée. Enfin, satisfaite de son premier examen, elle passait à l’autre, cherchant dans chaque élément de son visage des traces de sa ressemblance avec elle. Elle avait, elle s’en félicitait, les cheveux et le teint hâlé de son père. Son nez aussi, bien qu’elle le déplorât quelque fois sur un plan purement esthétique. Mais la forme générale du visage, cet ovale brisé par la ligne de la mâchoire, trop carrée pour s’y fondre, les yeux petits et enfoncés, la bouche à la lèvre inférieure trop pleine et à la lèvre supérieure trop mince. Tous ses traits, elle les retrouvait chez sa mère. Comme les taches de rousseurs qui lui parsemaient les joues au moindre rayon de soleil. Mais ce qu’elle redoutait le plus, c’était d’en prendre l’allure. Le miroir déformant de la vitre du train lui donnait l’impression de pencher la tête comme elle quand elle était contrariée. Les premiers rayons du soleil faisaient ressortir le froncement de ses sourcils et le plissement d’yeux caractéristique des personnes myopes. Une tare qu’elles partageaient. Leur manière de froncer le nez pour retenir les lunettes qui glissait était aussi identique.
Elle s’auscultait ainsi tous les matins, notant les infimes différences, dans la lourdeur des paupières, la manière de tordre les lèvres ou de tourner le visage, craignant chaque jour davantage que l’adulte qu’elle deviendrait bientôt perde tous ces signes qui faisaient d’elle une personne à part entière.

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