lundi 25 août 2008

Défi 1

Voici le premier défi réalisé, et ses contraintes


Ecrire une histoire qui commence par :

« Il ne sert en rien, de dévoiler son jeu, tant dans la colère que le calme sérieux, car d’un souffle, une carte peu s’envoler, anéantissant ce qui peu être parfois, des années de secret ».

Insérer au milieu de la phrase :

« Il n'y avait qu'un pas entre ce qu'on voyait et ce que l'on croyait voir, c'était peut-être pour cela que l'on disais que l'erreur était humaine ».

Et que ça finisse par :

« Car c'est toujours au moment ou l'on croit que rien ne pourrait être pire, que l'on s'aperçoit que l'on avait finalement tort »


Mission Zen


« Il ne sert en rien, de dévoiler son jeu, tant dans la colère que le calme sérieux, car d’un souffle, une carte peu s’envoler, anéantissant ce qui peu être parfois, des années de secret. C’était notre dicton du jour, envoyé par Te Luan, Te Luan, nous te remercions pour ta contribution, et maintenant, une page de publicité ». Pah Tung se leva lentement, abandonnant son travail de mise en place zen et harmonieuse avec l’univers de figurines Warhammer sur la table de la salle à manger de la réflexion illuminée. L’heure avait sonné. La grande heure. Récitant en lui-même les dix sutras de la méditation éclairé, il se dirigea vers la pagode de la révélation évanescente, que Suzie appelait le placard sous l’évier dans la cuisine. Mais les démons familiers, femelles qui plus est, ne comprenaient rien à la beauté des noms, surtout quand elles avaient 5 ans.

A genoux, il fouilla religieusement entre la passoire de la compassion intrinsèque et les poêles à frire du souvenir carpien. Il profita du d’instant de choc parfait pour réciter entre ses dents les mille et une injures zen de la malédiction du plafond de placard, tout en frottant sa bosse selon le sens de rotation feng sui des aiguilles d’une montre. Son sac était là, religieusement rangé entre les serpillières anti-abomination et la ventouse repousse-démons. Pah Tung le tira à lui avec la célérité tranquille de ceux qui ont connu l’illumination du satori. Célérité tranquille un peu accélérée par l’irruption du démon du huitième cercle du Maelstrom, troisième appartement à gauche en sortant de l’ascenseur. Heureusement, Pah Tung avait appris à leur faire face. Se redressant de toute sa taille, il ouvrit son livre de prière et récita la formule sacrée pour repousser ce mal « Tout vient à point à qui sait attendre, car tant va la cruche à l’eau qu’à la fin elle se casse ». Il ne sourit même pas quand le démon s’immobilisa, manquant de faire tomber les assiettes du dîner, puis haussa les épaules et alla les poser sur la table, car Pah Tung était au-delà des sentiments humains tels que la fierté ou la morgue. Il ne se retourna même pas quand le démon essaya de le tenter par un de ses vils tours de séduction. La voix rebondit en écho sur les murs du hall d’entrée : « Tu ne mange pas avec nous ? J’ai fait des brocolis ». Mais c’était en vain. Et Pah Tung était déjà loin quand la plainte d’agonie du démon ébranla les murs : « Damien ! C’est toi qui as fichu ce merdier dans le placard ? T’as intérêt à ranger quand tu rentreras ! » Sans doute le démon tenta-t-il d’autres ruses pour l’attirer dans l’enfer de son courroux, mais cela ne concernait plus Pah Tung, il était loin. A peine entendit-il la dernière clameur du monstre « Tu as encore laissé traîner tes affaires n’importe où, ne compte pas sur moi pour ranger ! ».

Pah Tung égaya son trajets de quelque sutras choisis de son recueil zen. Son art du zen était à tel point développé que chaque page qu’il ouvrait au hasard lui offrait une perle de vérité dans le monde d’illusion où il évoluait. Il en était arrivé à un tel point d’illumination qu’il percevait la vérité intrinsèque de tout écrit. Pas seulement ceux de son recueil, au demeurant faciles à comprendre, comme « Ne met pas tous tes œufs dans le même panier » ; mais aussi, celle plus profondément enfouie dans des phrases apparemment absconses, telles que « Ne met pas tes doigts sur la porte, tu risques de te faire pincer très fort ». En tant esprit éclairé, Pah Tung n’en tirait aucune fierté. Pas plus que de l’action qu’il allait intenter ce soir. Le monde entier lui en serait reconnaissant, mais il n’en avait cure. Sa récompense était l’émerveillement constant du satori. Don rare qu’il partageait avec ses deux frères d’âme, Te Luan Vauche et Na Ente Dugasse, qui l’attendaient à la sortie du dragon souterrain. « Il n'y avait qu'un pas entre ce qu'on voyait et ce que l'on croyait voir, c'était peut-être pour cela que l'on disait que l'erreur était humaine », disait un sage dans le recueil de Pah Tung, parmi d’autres conseils pour être imbattable au jeu hautement méditatif qu’était le Strip Pocker. En bon disciple, Pah Tung s’était inspiré de la maxime pour préparer leur invasion et avait suggéré à ses deux frères d’adopter le déguisement d’adolescents profanes habités par leurs démons intérieurs. Après un bref salut entre initié, ils se dirigèrent d’un même pas vers l’entre de la bête.

Le vigile leur accorda à peine un regard et les laissa passer, noyés dans la masse des esprits éteints. Si Pah Tung n’avait pas été aussi éveillé et détaché des valeurs bassement matérielles, il se serait félicité pour son intelligence. Autour d’eux, les êtres corrompus se massaient, attendant avec obédience l’apparition du démon qui allait, dans quelques instants, être châtiés. Bien que détaché de la matérialité de ce monde, Pah Tung aurait bien craché sur les banderoles de l’imposteur, qui proclamaient crânement : « Le zen pour les nuls ». Une insulte aux yeux de tous les initiés. Si tant est qu’on pouvait considérer qu’ils étaient sensibles aux insultes, bien sûr. Récitant en lui-même les seize préceptes de la nourriture biologique purificatrice d’âme pour donner du courage à son corps encore de chaire, et donc corrompu, Pah Tung sortit la bombe de son sac. Rien de tel qu’un petit retour au chaos pour enseigner l’inanité des biens matériels et offrir un accès direct au Satori à quelques êtres inférieurs. Il se tourna avec cérémonie vers Na Ente, qui commença alors une danse d’exorcises inédite, tapant avec fracas sur ses poches, les ouvrant, glissant la main dedans, pour la ressortir aussi vite. Pah Tung plissa les yeux, comprenant aux petits cris incohérents de son compagnon qu’il avait oublié son briquet et que sa mère avait confisqué ses allumettes de secours. Autour d’eux, la foule commençait à bruisser. « Je savais bien qu’on aurait pas dû la faire noire et ronde », grogra Te Luan en désignant la bombe que tenait Pah Tung, et perdant, aux yeux de ce dernier, ses galons d’initié aux mystères du zen. Un vrai maître est au dessus des récriminations. Et n’essaie pas de se dérober en criant « C’était juste une blague », sous prétexte que deux démons de sécurité viennent d’apparaître derrière lui.

Pah Tung aurait bien adressé un regard de pitié à son compagnon déchu, mais il était, encore une fois au dessus de ces sentiments bassement humains. Et l’heure exigeait qu’il agisse pour la cause, tant pis pour les martyrs. Il posa vivement la bombe à terre et sortit son recueil de préceptes, espérant y trouver l’illumination pour échapper aux deux mauvais Karma d’un mètre quatre-vingt qui venaient de poser chacun une main sur son épaule. Ses yeux glissèrent sur le proverbe, et se relevèrent aussitôt. Suffisamment vite pour voir Na Ente attraper la bombe à ses pieds et la tendre d’un air d’excuse à celui qui semblait être le chef des démons de sécurité. « Vous n’auriez pas du feu ? », demanda-t-il en désignant la mèche de l’engin d’un air d’excuse. Malgré tout son éveil au Satori, Pah Tung ne put s’empêcher de soupirer. Son recueil avait raison. Son doigt marquait toujours la page où était marqué : « Car c est toujours au moment ou l on croit que rien ne pourrait être pire que l’on s’aperçoit que l’on avait finalement tord ».

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