dimanche 14 septembre 2008

Seuils (Partie 3.1)

D'habitude je poste des morceaux plus gros, mais là c'est un passage à plusieurs voix, donc je les isole histoire de vérifier que chaque paragraphe "fonctionne" tout seul et avec le reste.
Un autre truc qui m'énerve, c'est que le personnage couché sur le papier le paraît toujours moins profond que ce que j'ai imaginé.

Finalement, Samain était plutôt contente d’être arrivée plus tôt que prévu. Le bedeau l’avait trouvée glacée et avait insisté pour qu’elle prenne un bol de cacao avant même que la distribution ne commence. En plus, une des dames avait apporté un lot de vêtements, et elle avait pu mettre la main sur une robe doublée à peine trop grande pour elle. Enfin, cerise sur le gâteau, elle avait réussi à s’installer dans un coin de la place abrité du vent, et avec le journal de la veille. Pour le frère qui lui avait donné, les nouvelles étaient périmées, mais pour Samain, c’était toujours de la lecture. C’était sans doute ce qui lui manquait le plus depuis qu’elle n’était plus à l’orphelinat. Sans plus attendre, elle l’ouvrit au milieu et regarda le résumé du feuilleton. Apparemment, l’histoire devait en être à peu près au milieu. Mais c’était toujours dur à dire avec les feuilletons. Une histoire de chevalerie pour changer. Le héro était un gentilhomme solitaire qui se battait pour l’Honneur et la Justice et parcourait le pays à la recherche du mystère de sa naissance. Et pour corser les choses, bien sûr, une intrigante assoiffée de pouvoir avait juré sa perte après qu’il a empêché l’accomplissement de ses desseins maléfiques.
- « Et sinon, c’est toi qui est allé chez les Pennaer’ch pour la disparition ? ».
Samain releva brusquement la tête. Elle avait pourtant choisi un endroit à l’écart, derrière le coin de l’église. Mais les policiers étaient venus s’adosser au mur pour suivre la distribution des yeux. Ils voulaient sûrement causer tranquilles et ne l’avaient pas vue. Quoi qu’il en soit, cela ne la regardait pas. Elle allait juste faire comme s’ils n’étaient pas là. Donc… Ah oui, la Maléfique, qui était, on l’avait appris avec stupeur dans le précédent chapitre une demi férene douée de pouvoirs d’enchanteresse incommensurables, en plus de ses capacités de séduction incroyables, avait fait assassiné la fiancée du héro. Le héro en vengeance de cette vengeance, donc, avait cherché à la tuer. Mais en un instant, elle l’avait magiquement séduit, alors que le poignard était déjà sur sa gorge, et….
- « … Il n’est pas revenu chez lui depuis deux semaines. Ses parents sont très inquiets. Ils pensent que des policiers l’ont tué à cause de ses opinions politiques. J’ai dû faire des pieds et des mains pour qu’ils entrouvrent la porte. J’ai même apporté un rameau de houx »
- « Un rameau de houx ? »
- « C’est une tradition féren pour dire qu’on vient en paix ».
Samain haussa les épaules. Elle n’allait pas se mêler des affaires des policiers. Donc. La Maléfique avait séduit le héro pour une nuit, et maintenant il la pourchassait dans une ville absolument incroyables qu’on aurait juré faite uniquement d’intrigues et de complots. Elle espérait voler des artefacts magiques d’une civilisation disparue. Il voulait l’arrêter sans savoir s’il agissait par amour ou par haine. Voilà qui promettait. Samain se plongea dans le chapitre.
- « D’ailleurs on ne l’aurait pas su si son employeur n’avait pas donné l’alerte. Il travaillait pour un imprimeur dans la rue Crête. Le premier jour il a cru qu’il était malade. Le deuxième, il est allé voir sa famille. Ils lui ont interdit d’entrer et ont crié qu’ils ne savaient pas où il était.
- C’est gênant pour nous, tout aussi bien. Un agent était chargé de le surveiller.
- On manque tellement de monde qu’ils l’ont affecté autre part au bout de trois jours ».
Samain essayait de se concentrer. Il s’agissait de boire sa soupe avant qu’elle refroidisse, tout en lisant le feuilleton, et sans faire tomber sa tartine. C’était vraiment gênant cette discussion, parce qu’elle ne pouvait pas s’empêcher de l’entendre. Heureusement, une des dames du comité venait manifestement à leur rencontre. Les dames du comité ne parlaient que de charité et de religion, Samain ne les entendaient même plus, tant elles répétaient sans cesse la même chose. Elle ne la voyait pas, mais elle pouvait l’entendre se dandiner sur les pavés humides, ses chaussures à talons heurtant le sol à un rythme effréné tandis qu’elle s’approchait tant bien que mal des policier. Quelle idée aussi de mettre des chaussures à talons, il n’y avait vraiment qu’une dame du comité pour faire ça. Enfin, ce n’était définitivement pas les affaires de Samain. Elle avait précautionneusement une gorgée de soupe, et tourna tant bien que mal la page du journal.


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